Encyclopédi'arbre

Tout comprendre de la déforestation en 10 chapitres

Chapitre 2 :
Du problème environnemental

     Pour bien saisir l’enjeu du problème des forêts, il faut d’abord comprendre le problème environnemental – climatique.

     Le dernier rapport du GIEC de 2022 est clair : l’Homme est bien à l’origine du dérèglement climatique initié pendant l’ère industrielle au XIXe siècle, marquée par la découverte d’énergies fossiles émettant des Gaz à Effets de Serre (GES). Certains scientifiques nomment même cette nouvelle ère climatique « l’Anthropocène » (l’ère de l’Homme), la catégorisant comme climatiquement différente des siècles précédents.

     Quelles sont les caractéristiques, les causes et les conséquences de ce récent dérèglement climatique ? Ce chapitre n’est pas très joyeux, accrochez-vous jusqu’aux points positifs !

Caractéristiques climatiques de l’Anthropocène

     Climatiquement, on observe, depuis le milieu du XIXe siècle et l’invention du moteur thermique, une hausse anormale des températures mondiales. Certes, les températures de la planète ont toujours fluctué, alternant âges glaciaires et périodes plus chaudes, comme le montre ce graphique :

Source - Institut Jussieu; Note : les oscillations à droite sont le résultat de mesures plus précises

     On relève un caractère répétitif, presque périodique, des variations de températures au fil des millénaires. C’est l’un des arguments principaux des climatosceptiques : « l’Homme n’y est pour rien, la hausse récente des températures coïncide simplement avec le rythme climatique terrestre naturel ». Cependant, si on zoom sur les derniers siècles, voici ce qu’on observe :

Variations des températures globales depuis l’an 0

     Cette variation si subite des températures à partir de 1850 a longtemps fait l’objet de débats scientifiques. Mais aujourd’hui, la communauté scientifique, notamment les experts du GIEC, l’attribuent bel et bien à l’activité humaine.

     Les mécanismes climatiques sont complexes, et une variation d’un seul degré en moyenne sur la planète peut déclencher de nombreuses réactions en chaine. On observe ainsi un nombre croissant de catastrophes naturelles climatiques (cyclones, inondations, sècheresses…) qui perturbent à leur tour d’autres cycles naturels comme celui de l’eau, de la reproduction des êtres vivants, ou des incendies.

     La hausse des températures accélère la fonte des glaciers, dont l’eau se déverse dans les océans. Ces derniers, également réchauffés, voient l’eau dont ils sont remplis se dilater, légèrement certes, mais suffisamment pour faire monter le niveau global de la mer (plus un corps est chaud, plus ses molécules s’agitent et « poussent » leurs voisines : le volume augmente comme une foule de concert dont les individus s’écartent les uns des autres). Depuis 1880, soit le début de l’ère industrielle les océans ont monté de 23cm. Et cette montée des eaux s’accélère, corrélée à l’augmentation de la température. Selon les prévisions, les océans monteront de 30cm supplémentaire d’ici 2050. Soit davantage en 30 ans qu’en 150.

   Penchons-nous un peu plus sur la répartition de températures à la surface de la planète. Voici la répartition de la hausse des températures prévues par le GIEC à différents degrés de réchauffement moyen : 1.5°C, 2°C, 4°C, comparés aux données d’avant 1900. A noter que nous sommes déjà à +1.1°C par rapport à cette époque.

Répartition hétérogène de la hausse des températures planétaires, selon le réchauffement moyen – Source : GIEC

     Déjà, il faut comprendre que les fameux 1.5 ou 2°C évoqués comme objectif par les accords de Paris sont une moyenne : c’est l’ensemble de la Terre qui se réchauffera de 1.5 ou 2°C. Cependant, les océans se réchaufferont moins vite, et ce sont les continents qui compenseront en réchauffant davantage. Il faut donc s’attendre à plus de 2°C d’élévation là où l’Homme vit. Et encore plus dans nos villes de béton emmagasinant la chaleur.

     On remarque que les continents sont effectivement plus touchés que les océans : à +2°C de réchauffement moyen par exemple, la France métropolitaine connaîtra un réchauffement de 3.5°C. Les pôles sont particulièrement sensibles à cette évolution. Pôles dans lesquels se trouvent une grande quantité de glaciers prêts à fondre dans les océans… (Attention petit point de précision : contrairement à certaines idées reçues, la glace flottante dans les mers polaires n’élèvera pas le niveau des océans une fois fondue. Pensez aux glaçons dans votre verre qui ne le font pas déborder quand ils fondent. La glace étant moins dense que l’eau, le volume qu’elle occupe une fois fondue sous forme liquide est plus faible que sous forme solide).

Chaque degré compte

     On comprend bien que chaque degré compte. Les accords de Paris visent 2°C pour donner un chiffre rond et possiblement atteignable, à condition d’y mettre les efforts (si on reste sur la dynamique actuelle, on se dirige plutôt vers 2.5°C voire 5°C en 2100). Cependant, ce n’est pas le « but du jeu ». Si on dépasse ces 2°C, ce sera pire, car encore moins vivable. Mais ça ne sera pas « perdu ». Il existe aussi des phénomènes d’emballement au-delà de ces 2°C de réchauffement moyen – la fonte du permafrost en Sibérie notamment, qui libérerait des gaz à effet de serre (GES) piégés dans la glace et qui accélèreraient à leur tour le réchauffement (voir ci-après). En somme, cet objectif de 2°C n’est pas absolu, mais gardons en tête que chaque dixième de degré économisé nous rendra la vie plus agréable

     Voici un bilan des conséquences en termes de chaleurs extrêmes, sécheresse, précipitations, enneigement et cyclones sur l’ensemble de la planète :

     On vient de parler de la hausse des températures moyennes sur les différentes parties du globe, mais nous devons également prendre en compte les pics de températures annuels, car ils peuvent causer de gros problèmes pour notre santé. Prenez les épisodes de canicule en France métropolitaine par exemple, qui surviennent désormais chaque été. A +2°C par rapport au XIXe siècle (soit 0.9°C de plus qu’aujourd’hui), il faudra leur ajouter 1.4°C. Le résultat sur notre santé ? On y revient plus tard.

     Car il est temps, avant de parler des conséquences que le changement climatique peut avoir sur l’ensemble des être vivants, l’Homme compris, revenons sur les causes et les mécanismes du réchauffement.

Mécanismes et causes du dérèglement climatique

a) Mécanismes

     Commençons par la base : l’effet de serre. Ce mot qui fait peur vient de la serre où l’on fait pousser des légumes. En hiver, elle permet de garder la chaleur émise par les plantes, et de lutter ainsi contre le froid. Comment ça marche ? Retenons simplement que tout objet émet de la chaleur sous forme de rayonnement, et que la nature de ce rayonnement dépend de la température de l’objet. Le verre de la serre laisse passer certains rayonnements, mais pas d’autres. Le rayonnement du soleil, objet très chaud, peut entrer dans la serre, mais celui des légumes qui y poussent, beaucoup plus froids, ne peut pas en sortir : la serre se réchauffe en piégeant la température.

     L’atmosphère marche pareil ! Mais il n’utilise pas du verre : il utilise lui ce qu’on appelle les Gaz à Effet de Serre, qu’on dénommera maintenant par « GES ». Ces GES laissent passer la chaleur du soleil, mais retient la chaleur émise par la Terre : l’atmosphère se réchauffe. Et plus il y a de GES dans l’atmosphère, plus l’effet de serre est grand et plus ça chauffe.

Source : Save4Planet

     Cet effet de serre a permis il y a quelques milliards d’années d’élever la température de la Terre jusqu’à faire fondre la glace. La présence d’eau liquide a alors permis à la vie d’apparaître. C’est une bonne chose à priori. Le problème, c’est qu’aujourd’hui l’Homme en abuse et la vie menace de disparaître. Notre activité produit beaucoup de GES, ce qui, nous l’avons vu, fait monter le thermomètre anormalement vite.

     Quels sont ces GES et d’où viennent-ils ?

     Le GES majoritaire, c’est la vapeur d’eau (55%). Elle est présente depuis toujours, et l’Homme n’a pas beaucoup d’impact sur cela : son origine est naturelle. Cependant, l’Homme produit beaucoup d’autres gaz qui viennent s’ajouter aux gaz d’origine naturelle. Le plus connu est le dioxyde de carbone, ou CO2. Issu notamment de la respiration du vivant au niveau des cellules, il est majoritaire en proportion parmi les GES « anthropiques » (émis par l’Homme). Il en existe d’autres, moins nombreux mais dont l’effet de serre est bien plus puissant que celui du CO2.

Pouvoir de Réchauffement Global (PRG) des GES anthropiques comparé à celui du CO2 – Source : Jancovici.com

     Ce tableau présente les autres principaux GES d’origine humaine. Voici leurs principales origines :

  • Dioxyde de carbone (CO2) : Combustion d’énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz), Déforestation
  • Méthane (CH4) : Combustion d’énergies fossiles, Agriculture (principalement élevage bovin via les gaz des ruminants)
  • Protoxyde d’azote (N2O) : Agriculture (via les engrais et la respiration du sol)
  • Hydrofluorocarbures (HFC) : Liquides de refroidissement (dans les frigos par exemple)

     Le tableau présente également le Pouvoir de Réchauffement Global (PRG) de ces gaz, comparé à celui du CO2. Le méthane par exemple, à quantités égales, réchauffe 25 fois plus que le dioxyde de carbone. Et que dire des HFC qui sont jusqu’à 15 000 fois plus puissants. Cette table de PRG permet en fait de faciliter les calculs et les communications dans l’optique d’établir des stratégies de gestion des GES à grande échelle. Afin de prendre en compte tous les différents GES, émis par des sources et en quantités diverses, on ramène leur impact sur l’effet de serre en « équivalent CO2 ». On peut alors chiffrer les effets d’un certain secteur industriel, d’un projet ou d’une stratégie de mitigation. A titre indicatif, l’humanité a émis en 2022 37Gt de CO2. Mais en ajoutant les autres GES, on atteint, en équivalent CO2, 41.3Gt CO2eq (selon l’IEA).

Emissions mondiales, en gigatonnes équivalent CO2 – Source : International Energy Agency (IEA)

     On l’a vu, la compréhension de l’effet de serre nous permet de lier la quantité de GES présents dans l’atmosphère à une hausse de température. Afin de ne pas dépasser les 2°C, chaque pays, chaque organisation peut se fixer une limite de quantité de GES (en équivalent CO2) à émettre, et ainsi planifier son développement année après année. L’objectif est qu’à horizon 2050, notre société n’émette plus de GES supplémentaire : c’est la « stratégie Net 0 ». Se cache derrière le mot « net » une subtilité : on pourra continuer à émettre des GES, à condition d’en capter la même quantité.

     Il existe en effet différents « puits de captation carbone » permettant de capter le CO2 de l’air et ainsi abaisser l’effet de serre. Nous reviendrons là-dessus plus tard. Pour, l’instant, maintenant que nous avons compris le mécanisme, passons aux sources d’émissions.

B) Causes

     Débutons par la différenciation par pays, avant de nous attaquer à celle par secteur. Cette partie n’est qu’une rapide présentation de quelques données clés pour permettre de mieux comprendre la situation ; le casse-tête des émissions carbones est extrêmement intéressant, mais il requiert pour être résolu quelques (longues) explications supplémentaires ici hors sujet. Je vous invite pour cela à fouiller le site du Shift Project (think tank français dont fait partie Jean-Marc Jancovici), dont j’ai extrait quelques-uns des graphiques qui suivent.

      Au niveau des pays, c’est bien connu, les Etats-Unis et la Chine figurent en haut du classement des plus gros émetteurs de GES :

     Ce graphique est pertinent lorsqu’il s’agit de débattre sur les politiques environnementales et les plans énergétiques des différents pays. Cependant, gardons en tête que ces pays sont très peuplés et que, dans une optique de justice planétaire pour tous, mieux vaut considérer les émissions par habitant :

     Rappelons que les mêmes accords de Paris ont défini un objectif de 2 tonnesCO2 émises/personne/an. La moyenne des Français est entre 5 et 11 tonnes selon les sources. C’est l’ordre de grandeur qu’il est important de retenir : on y est pas ! Les populations les plus émettrices semblent également être celles des pays les plus riches mais aussi des pays possédant de grands gisements d’hydrocarbures (pétrole principalement). Cela soulève un point intéressant, souvent clivant chez ceux qui calculent les empreintes carbone : à qui doit on attribuer l’émission de GES ? A celui qui produit ou à celui qui consomme ? Qui doit payer la facture écologique : celui qui achète un smartphone construit avec des métaux rares extraits par des enfants en Afrique, ou ces mêmes enfants ? Je n’insisterai pas davantage pour ne pas révéler ma position subjective sur le sujet.

     Voici un graphique mettant en lumière la différence entre une empreinte carbone calculée sur la production intérieure brute (point de vue « producteur », en vert), comparée à celle calculée en prenant en compte la balance importations/exportations (point de vue « consommateur », en rouge).

     Résultat : la Chine pollue 15% de moins dans le second cas. Et l’Union Européenne 27% de plus. La délocalisation des secteurs primaires et secondaires, très pollueurs, ne doit pas nous faire oublier notre responsabilité en tant que pays riches.

     Pour mieux comprendre comment sont émis ces GES, passons à leurs sources d’émission selon les secteurs.

     On remarque les points suivants :

      1. Transport, industrie, agriculture et électricité sont les secteurs qui émettent le plus de GES
      2. Le tertiaire n’est pas négligeable pour l’UE et la France, qui font partie du monde occidental riche
      3. L’électricité française émet très peu de GES, principalement car elle est produite par des centrales nucléaires, dont la pollution n’est pas sous forme de GES réchauffant l’atmosphère
      4. L’électricité et le transport ne sont pas de réels secteurs : ils ne servent qu’à alimenter les autres secteurs (industrie, transport de marchandises dont nourriture… les seuls transports indépendants sont les déplacements de loisir)
      5. Au vu de la part importante de l’agriculture et des transports, on comprend que chacun peut avoir un réel impact en faisant attention à sa consommation alimentaire (nature et provenance) et à ses déplacements.

     Retenons sur cette partie que les GES sont la principale source du dérèglement climatique, et qu’ils peuvent tous être ramenés au CO2, figure de proue et homme à abattre des politiques écologiques. Retenons également que, pour une meilleure efficacité et une meilleure justice sociale, certaines décisions politiques mondiales doivent être prises, mais que chacun peut également avoir son rôle à jouer dans sa consommation personnelle.

     Pour mieux comprendre de quoi il relève finalement dans ce dérèglement climatique, passons aux conséquences.

C) Conséquences sur la biosphère

Biosphère : ensemble des organismes vivants et leurs milieux de vie, donc la totalité des écosystèmes présents que ce soit dans la lithosphère, l’hydrosphère et l’atmosphère. (Wikipédia)

     Attention, cette partie peut être angoissante. Prenez une grande inspiration, et n’oubliez pas de positiver !

     Ces 50 dernières années, 69% de la biodiversité animale a disparu. C’est la 6e extinction de masse. La cause ? Les activités humaines bien sûr, de façon plus ou moins directe : extraction des ressources naturelles, chasse, pêche, expansion géographique… Ces activités font pression sur les habitats des animaux, ou sur leur population directement. Comme expliqué en début de chapitre, le problème ne vient pas du fait que notre espèce extraie des ressources de son environnement, mais plutôt qu’elle ne lui laisse pas le temps de régénérer ces ressources. Les populations d’animaux voient leur territoire s’amenuir, leurs proies disparaître, et sont vouées elles-aussi à emprunter le même chemin.

     Autre facteur de pression sur la biodiversité : le réchauffement climatique. Indirectement, par nos émissions de GES, nous déréglons le climat auquel la biodiversité est familière. Moins de pluie, ou trop d’un coup, épisodes de sécheresse plus intenses… une fois le cycle de l’eau affecté, les plantes en souffrent. Et la chaîne alimentaire, dont le métabolisme de ses individus est déjà affecté par les températures, s’effondre petit à petit. C’est tous les écosystèmes qui en pâtissent. Nous reviendrons dans les chapitres 3 et 4 sur le fonctionnement et les bienfaits des ces écosystèmes.

     Concrètement, la présence accrue de CO2 acidifie les océans, ce qui ne plaît pas à tous ses habitants – imaginez respirer un air corrosif. Et à partir d’un réchauffement d’1°C (déjà dépassé), les récifs coraliens commencent à mourir. A 1.5°C, ils seront en très mauvais état. Et à 2°C, ils seront exterminés (PLOS). Or, ils abritent 25% de la biodiversité marine. Des conséquences indirectes sur la pêche sont à prévoir.

     Sur terre, la principale menace pour l’Homme est l’extinction des pollinisateurs. 70% de notre alimentation dépend de ces insectes. La disparition des abeilles et compagnie aurait de sévères conséquences sur notre sécurité alimentaire. Sachant que 265 millions de personnes sont déjà en situation de famine.

     Les cartes suivantes, tirées du 2e groupe de travail du GIEC (rapport 2022), montrent l’impact du réchauffement global sur la biodiversité. De gauche à droite : exposition aux dangers climatiques, disparition d’espèces terrestres, disparition d’espèces marines.

     Ce graphique est pertinent lorsqu’il s’agit de débattre sur les politiques environnementales et les plans énergétiques des différents pays. Cependant, gardons en tête que ces pays sont très peuplés et que, dans une optique de justice planétaire pour tous, mieux vaut considérer les émissions par habitant :

Effet du changement climatique sur la biodiversité selon le degré de réchauffement – Source : GIEC

Note : les espèces marines ont moins de barrières aux déplacements que les espèces terrestres. Sous l’effet du changement climatique, certaines zones deviendront invivables, tandis que d’autres deviendront plus accueillantes : les espèces y migreront, d’où les zones bleues sur les cartes de droite.

     On remarque indéniablement que plus le réchauffement sera élevé, plus la biodiversité sera mise en danger par les conditions climatiques, particulièrement sous les tropiques. Les espèces les moins adaptatives en souffriront, et la biodiversité s’effondrera, au niveau local a minima. Cela concernera surtout les tropiques : Amazonie, Afrique, Asie du Sud-Est, Océanie. Cet effondrement de biodiversité aurait des conséquences sur les écosystèmes et sur la productivité agricole, déjà affectée par le changement climatique. Nous y reviendrons dans les chapitres suivants.

     Le réchauffement a également un effet direct sur la santé humaine. Il existe un combo température-humidité mortel pour les êtres vivants, Homme compris. Afin de maintenir notre température autour de 37°C, notre corps se refroidit à l’aide de la transpiration. L’eau, en s’évaporant, refroidit son entourage. Notre sueur étant de l’eau, elle refroidit notre corps en s’évaporant. Mais pour s’évaporer, il faut que l’air environnant puisse accueillir cette eau. Or, cette capacité d’accueil dépend de l’humidité (la quantité d’eau sous forme de vapeur) déjà présente dans l’air. Pensez à un hôpital qui n’accueille des patients que s’il a les lits disponibles. Ainsi, si l’air est saturé en humidité, la transpiration marche moins bien pour refroidir notre corps. Et s’il fait trop chaud, la température corporelle monte alors. Jusqu’au seuil mortel. La carte ci-dessous présente le nombre de jours par an durant lesquels les conditions température-humidité peuvent s’avérer mortelles, selon la zone géographique, à plusieurs niveaux de réchauffement planétaire :

Nombre de jours par an dans des conditions Chaleur-Humidité potentiellement mortelles, selon le réchauffement mondial moyen

     On remarque que les tropiques sont particulièrement touchés, et que la situation empire avec le réchauffement. Dès 2°C, des zones très peuplées comme l’Afrique centrale, l’Inde, la Chine et l’Asie du Sud-Est sont invivables plusieurs dizaines de jours par an. Si l’on suit la tendance actuelle de réchauffement, l’Europe finira elle-aussi par connaître ces conditions drastiques, tandis que la quasi-totalité des régions équatoriales seront totalement invivables.

     La moitié des humains vivent dans des zones où l’accès à l’eau potable est difficile. Et ce souvent dans les mêmes zones que celles citées ci-dessus. En 2050, ils seront 5.7 milliards. De plus, 153 millions de personnes sont exposées aux dangers de l’élévation du niveau de la mer, dans des zones comme les deltas du Mékong ou de l’Amazone, le Bangladesh, les Pays-Bas ou encore l’Indonésie. Si certains pays ont les ressources pour se protéger de la montée des océans, ce n’est pas le cas de tous. La capitale indonésienne, Jakarta (30 millions d’habitants), se retrouve peu à peu sous les flots : pas le choix, il faut déménager. En 2020, on comptait 80 millions de réfugiés climatiques – terme qui désigne les personnes émigrant pour des raisons attribuées au changement climatique. Ils sont 44 000 de plus chaque jour.

     En somme, rien de joyeux. Le changement climatique n’offre pas vraiment de perspectives réjouissantes. Les pays tropicaux – étant aussi les pays les plus pauvres – subissent (déjà) les conséquences climatiques de plein fouet. Mais si la France et l’Europe sont davantage épargnées par le climat, les migrations des populations qui n’auront pas cette chance rendront délicat le partage des ressources si nous ne nous y préparons pas. Deux solutions non incompatibles : nous organiser pour rendre une cohabitation soutenable et souhaitable pour tous d’une part, et d’autre part limiter au maximum l’impact écologique de nos activités afin de réduire autant que possible les conséquences qui finiront par nous atteindre. Nous, humains, surtout si nous venons des pays occidentaux principaux pollueurs, sommes la cause des conséquences que nous déplorons. Il est donc de notre responsabilité de penser et de mettre en place les solutions pour nous préserver nous-mêmes.

     Si vous n’en avez jamais entendu parler, je vous conseille de vous renseigner sur La Fresque du Climat, excellent outil pour découvrir et comprendre les interactions complexes que notre société entretient avec son environnement !

     Ne perdons pas espoir ! Le tableau fait peine à voir, mais nous pouvons le restaurer plutôt que de le contempler continuer de tomber en ruine ! Rendez-vous aux derniers chapitres pour découvrir comment vous pouvez passer à l’acte en toute connaissance de cause.

Et la forêt dans tout ça ?

     Les arbres, en grandissant, stockent du CO2 via la photosynthèse. Ce sont donc de précieux alliés pour réduire notre empreinte carbone. A condition de les protéger. Car les brûler libère le carbone qu’ils ont stocké pendant leur croissance.

     Le problème, c’est que le réchauffement ne va pas nous aider dans la conservation des forêts. En effet, plus il fait chaud, plus le cycle de l’eau est déréglé, et les sécheresses deviennent plus fréquentes. Résultat : les arbres meurent. Et moins il y a d’arbre, plus le climat local dans la forêt se réchauffe. Le cercle vicieux est schématisé ci-dessous :

Cercle vicieux climat-forêts - Illustration personnelle

Les forêts jouent également un rôle climatique important comme source d’humidité, régulant le cycle de l’eau à petite, moyenne et grande échelle. C’est justement ce dont nous allons parler dans le chapitre suivant !

Petit point GIEC

     Au vu du travail titanesque qu’il mène, le GIEC mérite bien une courte présentation dans cet article. Le GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat), ou IPCC en anglais (Intergovernmental Panel on Climate Change), est un consortium international de scientifiques œuvrant conjointement pour dresser une étude complète du problème climatique. Leur travail est essentiellement de la relecture et revalidation de travaux scientifiques déjà existants sur tous les sujets touchant au changement climatique. Ils bénéficient donc d’un crédit maximal pour ce qui est de la précision et de la méthode scientifique.

     Le GIEC est divisé en 3 groupes de travail (WG – Working Groups) afin de se répartir les tâches de revue scientifique. Chaque groupe publie un volet, qui sont donc au nombre de 3 à chaque rapport. En 2022-2023, le GIEC a publié son 6e rapport, les 3 volets étant publiés à quelques mois d’intervalle.

    • Groupe 1 : il dresse un constat de la situation climatique actuelle. Son bilan ? « Il n’y a plus de doute : l’origine du changement climatique est bien anthropique »
    • Groupe 2 : il se penche sur les conséquences du changement climatique. Conclusion : « 3.5 milliards de personnes sont hautement vulnérables au changement climatique »
    • Groupe 3 : il étudie les diverses solutions pour contrer autant que possibles les retombées négatives du changement climatique. Pour résumer : « Il faut réduire l’utilisation du charbon (-95%), du pétrole (-60%), et du gaz (-45%) » et « changer notre modèle socio-culturel, repenser l’usage de nos infrastructures, en s’aidant de la technologie »

     Le rapport du GIEC s’adresse principalement aux décideurs politiques ; le travail du Groupe 3 pourrait vous donner des pistes de réflexion et de quoi relativiser, mais il faudra vous trouver des alliés pour inciter les décideurs à suivre les recommandations des scientifiques !

     Pour dresser ses prévisions, le GIEC a modélisé plusieurs scénarios possibles. Ces scénarios sont fondés sur différents rythmes d’émissions de GES (Gaz à Effet de Serre) :

A partir des futurs comportements socio-économiques possibles de notre société, le GIEC a dressé plusieurs 5 scénarios d’émissions de GES dans les décennies à venir – Source : GIEC

     A partir de ces émissions, le GIEC a modélisé la quantité de GES dans l’atmosphère. On en déduit alors le réchauffement global comme vu plus haut :

Estimations de la quantité de GES (CO2 équivalent) dans l'atmosphère selon les scénarios
Calcul du réchauffement planétaire associé, via l'effet de serre

     De là, le GIEC peut prédire plusieurs facteurs climatiques, comme la montée du niveau de la mer, ou l’acidification des océans entre autres (voir plus haut pour les conséquences associées).

Acidification des océans prévue par le GIEC selon les scénarios d'émissions de GES
Montée du niveau des océans prévue par le GIEC selon les scénarios d'émissions de GES

     Ces graphes sont tous tirés du 6e rapport du GIEC.

     Une très bonne vidéo de Chez Anatole résume en 15 minutes le 6e rapport du GIEC : ici.

Conclusion

  • Les humains sont responsables du dérèglement climatique à travers leurs activités.

 

  • Les Gaz à Effet de Serre (GES) sont les responsables du réchauffement climatique et sont émis principalement par la combustion d’énergies fossiles. Les secteurs les plus polluants sont l’agriculture, le transport et l’industrie. Les pays les plus polluants sont les pays riches.

 

  • Certaines de nos activités perturbent directement la biodiversité, en plus de l’impact du changement climatique. La surpêche, la déforestation et l’artificialisation des sols constituent quelques bons exemples.

 

  • Le dérèglement climatique et la perte de biodiversité affectent directement la production de certaines ressources naturelles comme la nourriture, n’arrangeant pas la situation de famine dans le monde.

 

  • Le dérèglement climatique augmente déjà les risques de catastrophes naturelles (inondations, sécheresses, cyclones…). La hausse des températures rendra invivables de nombreuses zones géographiques très peuplées.

 

  • Face à ces conditions, le nombre de réfugiés climatiques ne fait qu’augmenter. Les zones tropicales sont particulièrement touchées, et ce sur des facteurs multiples : chaleurs mortelles, manque d’eau potable, diminution des rendements agricoles, montée des eaux, catastrophes naturelles… L’exode des pays pauvres vers les pays riches a des raisons de s’accentuer. On peut donc s’attendre à une modification profonde de toutes nos sociétés.

 

  • Chaque dixième de degré compte. Toute économie de GES rendra la planète moins invivable. L’objectif défini par les accords de Paris est +2°C par rapport à 1850. Cette limite ne doit pas être dépassée. Le GIEC recommande +1.5°C. Nous sommes déjà à +1.1°C en 2023.

 

  • Vous avez le pouvoir d’agir en faisant attention à votre alimentation, vos déplacements et votre consommation d’électricité et chauffage. Pour en savoir plus, je vous conseille de faire La Fresque du Climat et de vous renseigner sur le 3e volet du rapport du GIEC.

à retenir

+1.1°C / +2°C / +4°C

Réchauffements déjà atteint / à ne pas dépasser / prévisionnel selon les tendances actuelles (par rapport à 1850)

69%

de des espèces terrestres ont disparu depuis 50 ans

°C = G.E.S.

Le réchauffement est proportionnel aux émissions de GES. Les secteurs les plus émetteurs sont l’Agriculture, le Transport et l’Industrie

25%

de la biodiversité marine vit dans les récifs coraliens. Ceux-ci seront exterminés à +2°C

265 millions de personnes sont déjà en situation de famine

70%

de notre alimentation dépend des pollinisateurs

153 millions de personnes sont vulnérables à la montée des eaux

50%

des humains ont un accès difficile à l'eau potable. Ils seront 5.7 milliards en 2050

80 millions de réfugiés climatiques en 2020. 44 000 de plus chaque jour

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David Soulema - Décembre 2023